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Condamnation de Marine Le Pen : « Rarement l’opposition a paru si nette entre deux conceptions de l’Etat de droit »

Au-delà du jugement qui vient d’être rendu, lundi 31 mars, dans le procès des assistants parlementaires du Front national (devenu Rassemblement national, RN) au Parlement européen, cette séquence judiciaire s’inscrit dans l’évolution récente de notre culture démocratique : elle traduit d’abord une volonté du législateur, sans cesse accrue depuis les années 1980, de préciser les frontières morales de l’action politique.

Dernièrement, c’est la loi Sapin 2, adoptée en 2016, lors du quinquennat de François Hollande, et la loi sur la « confiance dans la vie politique » de 2017, lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, qui ont rendu obligatoires les peines d’inéligibilité en cas d’atteinte à la probité des responsables politiques, même si les juges peuvent les moduler. Ces réformes transpartisanes affirment que l’éthique politique n’est plus du seul ressort des élus, qu’ils ne peuvent plus seulement être « jugés » par leurs électeurs, qu’ils doivent désormais répondre de leurs actes devant la justice. Le Parquet national financier, créé en 2013, est devenu l’instance capable de mettre en œuvre ces réformes. Sa montée en puissance a été permise par l’autonomie relative du parquet français, affirmée depuis la loi de 2013, avec l’absence d’instruction individuelle.

Dans la mesure où la défense du RN a récusé en bloc le système de détournement – chiffré à 4,1 millions d’euros – sur une longue durée – douze ans –, on peut comprendre que l’exécution provisoire ait été choisie par les juges. Au regard du dossier exposé publiquement, on a du mal à y voir un parti pris de procureurs désireux de s’attaquer à une opposante, comme l’a prétendu Marine Le Pen, alimentant par là même le populisme anti-juge ambiant.

Gouvernement des juges

Mais, dans nos démocraties, ce type de procès se joue aussi en dehors du prétoire. Lorsqu’elle se défend sur TF1, le 15 novembre 2024, face à un auditoire bien plus large que celui d’une salle d’audience, Marine Le Pen n’est plus face à son dossier. Rien de comparable avec le banc des prévenus de l’audience correctionnelle qui l’assigne à une place dégradante et réduit sa parole aux seuls besoins de sa défense. La peine demandée devient, selon ses termes, une . De prévenue, elle se présente en . C’est le retour du thème de la souveraineté populaire contre le gouvernement des juges, résumée par la citation du général de Gaulle : , que Marine le Pen a invoquée lundi, lors de son entretien sur TF1.

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