En quelques heures, lundi 6 octobre, les Français ont assisté à la démission d’un premier ministre nommé vingt-sept jours plus tôt. En fin d’après-midi, ils ont appris que le président de la République demandait au même Sébastien Lecornu de rester quarante-huit heures de plus pour . Le premier ministre démissionnaire a accepté tout en faisant savoir qu’il ne redeviendrait pas chef du gouvernement dans le cas, très hypothétique, d’une réussite de ces discussions qui échouent depuis quatre semaines.
Entre-temps, Bruno Le Maire, dont la nomination une quinzaine d’heures au ministère des armées avait irrité le parti Les Républicains (LR), avait annoncé qu’il se retirait d’un gouvernement déjà démissionnaire et composé de trop de , selon l’expression de Bruno Retailleau, ministre de l’intérieur démissionnaire et président de LR.
Tragique vaudeville ? Comédie dramatique ? La pièce pathétique qui se joue au sommet de l’Etat pourrait arracher des sourires si cette journée n’était pas une énième démonstration de l’état de délabrement du second mandat d’Emmanuel Macron. Une nouvelle fois sans premier ministre et sans projet de budget, assis sur un « socle commun » fissuré, le président de la République se retrouve englué dans une crise majeure.
Un marasme qu’il a lui-même provoqué. Sa décision de dissoudre l’Assemblée nationale en juin 2024 a installé le pays dans une instabilité permanente, donnant des airs de IVe République à une Ve République pourtant si résiliente. Depuis, M. Macron n’a jamais vraiment accepté cette situation, refusant d’admettre les résultats de 2024, préférant des alliances bancales à la construction de compromis dont certains l’auraient obligé à renier une partie de sa politique économique.
S’accrochant à une lecture classique de la Constitution, alors que la situation est exceptionnelle, le chef de l’Etat a laissé trois premiers ministres manœuvrer sur une voie très étroite, les condamnant à promettre des « ruptures » qu’ils ne pourraient mettre en œuvre et à rédiger des lettres aux engagements très flous. Pragmatique mais divisée entre deux lignes, la droite a accepté un temps de jouer le jeu en prenant Matignon ou le ministère de l’intérieur. Mais les inflexions sur la justice fiscale, sujet-clé de cette rentrée 2025, ont été jugées trop faibles par la gauche. Résultat, les fusibles de Matignon sautent les uns après les autres et le président se retrouve nu.
Le chef de l’Etat n’est plus le seul responsable de la situation. Par son geste inédit, abrupt et lucide tant le front de la censure avait pris de l’ampleur depuis quelques jours, M. Lecornu a aussi jeté une lumière crue sur l’ensemble du personnel politique, incapable de se hisser à la hauteur des enjeux. Depuis début octobre, les dirigeants de LR ont joué la surenchère sur la sécurité et l’immigration. Puis, leurs haines recuites, notamment vis-à-vis de M. Le Maire, et l’affrontement entre M. Retailleau et Laurent Wauquiez ont précipité la fin de l’alliance de circonstance avec le centre.
Enervée de ne pas être nommée à Matignon, la gauche socialiste a refusé de faire un choix clair entre l’opposition frontale et la participation à un éventuel gouvernement. Alors qu’il a besoin d’alliés, Olivier Faure, premier secrétaire du PS, agite ainsi l’abrogation ou la suspension de la réforme des retraites, chiffon rouge pour de nombreux macronistes.
Quinze mois se sont écoulés depuis les élections législatives et les partis politiques semblent plus obnubilés par l’élection présidentielle de 2027 que par la construction d’un compromis essentiel pour les mois à venir.
Le Monde
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