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« La prévention sanitaire en France : sommes-nous encore au temps de l’ORTF ? »

Dans les années 1960, la télévision française était un monopole d’Etat, l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF), et le gouvernement considérait que l’information télévisée était à son service. Un ministre de l’information – resté célèbre pour cette raison peu glorieuse – demandait à valider chaque jour les sujets présentés au journal de 20 heures.

Ces méthodes, aujourd’hui perçues comme dépassées tant en matière de la liberté d’information que de gouvernance, ont pourtant des échos persistants dans un domaine qu’on considère comme essentiel : la prévention en santé publique. En septembre 2023, les révélations de Radio France ont mis en lumière la censure de campagnes de prévention de Santé publique France sur les risques liés à l’alcool. Ce contrôle étatique rappelle étrangement celui exercé sur l’ORTF à l’époque.

On pourrait penser qu’aujourd’hui la responsabilité des campagnes de prévention incombe exclusivement aux experts de Santé publique France, l’agence nationale de santé publique qui réunit à la fois des spécialistes qui se basent sur des données scientifiques sur la santé et des spécialistes de la communication.

Cependant ce que le public ignore, c’est que ces campagnes doivent passer par des visas politiques préalables, plus ou moins nombreux et à des niveaux plus ou moins hauts dans la hiérarchie gouvernementale selon la sensibilité des sujets abordés.

Risque éventuel politique pour le ministre

Avant toute diffusion, chaque campagne doit obtenir l’aval du ministère de la santé, voire du cabinet du ministre de la santé. Il est peu probable que les personnes chargées de cette validation aient une expertise supérieure à celles des spécialistes de Santé publique France. L’objectif de cette validation ministérielle n’est pas de garantir la solidité scientifique ou l’efficacité de la communication, mais plutôt d’évaluer le risque éventuel, médiatique ou politique, pour le ministre.

Un deuxième niveau de validation est souvent nécessaire, celui du service d’information du gouvernement (SIG). Comme son nom l’indique, le SIG est chargé de valoriser l’action du gouvernement, et c’est sous cet angle que l’agence de prévention reçoit ou non le feu vert. Ce processus de contrôle de Santé publique France ne date pas d’hier. Il a été mis en place dès la création des agences sanitaires nationales au début des années 2000, et chaque gouvernement, indépendamment de son orientation politique, l’a maintenu. Pourtant, il suffit de décrire ce mécanisme pour constater à quel point il est dépassé.

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