La troisième saison de l’excellente série , qui vient de s’achever, est exceptionnellement réaliste. A croire que la fiction populaire peut désormais modeler la réalité et l’analyser. La surcharge de travail démente des soignants de tous ordres, le manque de lits en urgence et en « aval , la pénurie de matériel ou de médicaments vitaux… sont si lucidement décrits que la série n’a même plus à user du ton de la dénonciation. Sa force morale, incarnée dans ses personnages, tient au constat d’un hôpital en ruine et d’un service public sous-financé et dont le personnel est de nouveau méprisé (comme celui de l’école, des transports, de la Poste, de l’université, de la justice, de la police).
On se souvient des belles promesses de la période de l’épidémie de Covid-19 et de la réélection d’Emmanuel Macron, oubliées, avec le déni de l’importance du « care » – le travail quotidien et invisible qui rend la vie ordinaire possible. Et avec des choix budgétaires imposés depuis 2017 et qui sont devenus autant de lignes rouges réelles qu’il est interdit de franchir : exonérations et baisses des taxes pour les entreprises, suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, crédit impôt recherche, etc. – dont le nouveau premier ministre ne semble pas vouloir s’éloigner. L’indifférence destructrice des gouvernements pour les services publics est perçue et dénoncée par la majorité des citoyens, celle qui ne peut s’acheter des services privés.
Mais le débat public reste colonisé par les questions de dette, de risque de censure, de cumul des mandats, de destitution, ou par les atermoiements narcissiques du président ou les ambitions des chefs de parti. Alors que la seule réalité politique à prendre en compte, sous la surface de l’anecdote, devrait être la difficulté croissante à affronter la baisse du niveau de vie, les obstacles numériques et administratifs, le manque de transports publics, la réduction des droits sociaux, les ravages des délocalisations et les effets catastrophiques du dérèglement climatique.
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