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Cyril Benoît, politiste : « La proportionnelle n’engendre pas le compromis, elle le présuppose »

Le débat sur un éventuel retour du scrutin proportionnel resurgit à la faveur de la crise politique actuelle, et les arguments de chaque camp sont bien rodés. Les partisans de la proportionnelle y voient le moyen de forcer l’émergence d’une culture du compromis, alors que l’électorat est désormais scindé en trois blocs qu’un scrutin majoritaire ne parvient plus à contenir. Les sceptiques, eux, brandissent le spectre de l’instabilité chronique de la IVe République ou se réfèrent au cas de l’Italie, caractérisée, jusqu’à un passé récent, par ses gouvernements éphémères et ses coalitions fragiles. Les termes du débat sont clairs : les uns promeuvent la proportionnelle comme un vecteur de stabilisation ; les autres y voient, au contraire, le ferment d’une instabilité permanente.

Pourtant, le véritable enjeu est ailleurs. La proportionnelle n’engendre pas le compromis, elle le présuppose. Autrement dit, elle ne fait que révéler – ou non – la capacité d’une société à le construire en lien avec l’arène politique. Les exemples souvent cités par les partisans de la proportionnelle – comme ceux de l’Allemagne ou du Danemark – ne sont pas des miracles électoraux.

Ces pays ont su bâtir, en dehors du Parlement, tout un ensemble de structures où se préparent les décisions : institutions de formation professionnelle partiellement cogérées, négociations salariales interprofessionnelles, commissions paritaires de protection sociale, représentation équilibrée du capital et du travail dans la gouvernance de nombreuses entreprises. Quand le débat parlementaire s’ouvre, les compromis ont déjà été partiellement négociés ailleurs. Le rôle des élus est d’en débattre et de les traduire en loi, non de les inventer à la dernière minute. La stabilité des proportionnelles allemande ou danoise tient donc moins à la discipline du personnel politique qu’à la densité du dialogue social qui l’entoure et encadre ses pratiques. En retour, ce tissu favorise l’ancrage social des partis, qui restent étroitement liés à ces espaces de concertation et y puisent leur légitimité.

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