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Déclaration de politique générale de Michel Barnier : le piège de la généralité

Qualifier de l’exercice auquel Michel Barnier doit se livrer, mardi 1er octobre, devant les députés est une litote. La complexité de la déclaration de politique générale ne tient pas seulement à l’état du paysage politique actuel – cette seule difficulté aurait pourtant amplement suffi –, elle est inhérente à l’exercice lui-même. Un exercice qui s’est essoufflé et standardisé depuis plusieurs années, se réduisant trop souvent à une fastidieuse liste de mesures à la Prévert, sans marqueurs idéologiques ou programmatiques clairs et différenciants.

Cet appauvrissement – paradoxal, dans la mesure où les textes récités demeurent fort longs – est moins dû à la qualité des orateurs qu’à l’existence tacite de figures imposées, qu’il devient extrêmement difficile de contourner : une quête intransigeante d’exhaustivité (ne pas oublier de mentionner le moindre sujet de politiques publiques un tant soit peu saillant), une révérence affectée aux bilans de vos prédécesseurs (tout en promettant que vous ferez mieux qu’eux), un œcuménisme de façade positionnant l’oratrice ou l’orateur comme la ou le premier ministre de tous les Français.

Cette grammaire exigeante et auto-infligée suscite une forme de tétanie chez les orateurs, qui tentent de se singulariser par des figures de style parfois hasardeuses, des références plus ou moins naturelles (à droite comme à gauche, on se réclame de Jaurès, de Ferry, de De Gaulle ou de Clemenceau) et des « formules-chocs » que retiendront certes les médias ,avait déclaré Gabriel Attal, le 30 janvier, au sujet des élèves perturbateurs à l’école) mais qui ne font pas une politique et n’indiquent pas non plus de direction claire pour le pays.

Poser les bases d’un « style » Barnier

Voici donc l’équation déjà complexe que doit résoudre tout locataire de Matignon en temps présumé « normal » lorsqu’il passe son grand oral. A ce panorama de départ s’ajoute la situation que l’on connaît, anormale celle-ci : un gouvernement « Frankenstein », une assemblée morcelée et un Rassemblement national arbitre de la censure.

Partons donc d’une hypothèse : chacun, en dehors de son propre camp, trouvera de bonnes raisons de s’opposer au discours de M. Barnier – là aussi, nous sommes dans la figure politique imposée. Michel Barnier ne devrait pas non plus demander la confiance aux députés – ni Gabriel Attal ni Elisabeth Borne ne l’avaient demandée, et ils n’étaient pas les premiers : avant eux, Raymond Barre (1976), Pierre Bérégovoy (1992) ou Edith Cresson (1991) ne s’y étaient pas non plus risqués.

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