Trois jours après la rupture de la concertation sur les retraites, François Bayrou a tenté de relancer le processus au cours d’une inhabituelle conférence de presse à Matignon, lors de laquelle il n’a pas hésité, jeudi 26 juin, à réécrire l’histoire à sa façon. A l’entendre, ce « conclave » de quatre mois auquel il avait convié les partenaires sociaux pour tenter de surmonter le traumatisme démocratique causé par le passage à la retraite à 64 ans a été Grâce à la bonne volonté du patronat et des trois syndicats ayant accepté de siéger jusqu’au bout – la CFDT, la CFTC, la CFE-CGC –, une amélioration de la retraite des mères de famille est en vue, de même que celle des pensionnés qui n’ont pas cotisé suffisamment longtemps pour toucher leur retraite à taux plein.
Minimisant l’importance des blocages qui se sont manifestés sur la pénibilité et le financement de tous les ajustements envisagés, l’hôte de Matignon s’est dit prêt à accorder quinze jours de discussions supplémentaires aux partenaires sociaux, sans exclure d’avancer lui-même susceptibles de trouver une traduction législative dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui sera débattu à l’automne.
Si le but de cette initiative était de rebattre les cartes, l’échec est patent. Le Parti socialiste, que le président du MoDem cherche à amadouer depuis son arrivée à Matignon, maintient la motion de censure qu’il avait déposée mardi au motif que la promesse de départ de rediscuter des 64 ans a été trahie. A quinze jours de l’annonce de choix budgétaires difficiles, la tentative d’ouverture à gauche se solde par un échec. Les participants au conclave restent quant à eux très circonspects : sans fermer la porte à de nouvelles discussions, ils ont tous réservé leur réponse.
François Bayrou a toujours défendu la démocratie sociale. C’est son unique atout dans le dossier. Pour le reste, tout joue contre lui : son impopularité record, alimentée par sa tendance à procrastiner plutôt qu’à décider ; son incapacité à imposer une quelconque autorité sur le bloc central, qui ne partage pas de vision commune sur le sort à réserver à la réforme Borne ; ses relations complexes avec le chef de l’Etat, qui le soutient et en même temps s’agace d’un risque d’enlisement. La conjonction de tous ces handicaps fait qu’au lieu d’impulser une dynamique autour de ce en quoi il croit – le partage des responsabilités et la décrispation sociale – le premier ministre apparaît de plus en plus aux abois, enclin à ruser pour mieux durer.
Le retour dans le jeu des partenaires sociaux est d’autant plus nécessaire que la perte de majorité à l’Assemblée nationale conduit à l’immobilisme et à la crise larvée. François Bayrou se dit prêt à confier au patronat et aux syndicats la gouvernance de l’Assurance retraite. Ce serait un bon moyen de dédramatiser et de dépolitiser la gestion d’un dossier explosif qui, au vu de l’évolution démographique, est loin d’être clos. Mais la confiance ne se décrète pas. Tenus hors du jeu depuis huit ans, les syndicats ont quelque raison d’être échaudés. Protégé par la politique de l’offre, le patronat peine à comprendre qu’il doit faire sa part du chemin. Il récuse toute hausse des prélèvements, mais ne se précipite pas pour faciliter l’emploi des seniors. Les blocages ne relèvent pas que du domaine de la politique.
Le Monde
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