Alors que la démocratie s’effrite et que l’autoritarisme gagne du terrain dans le monde entier, les médias numériques sont de plus en plus souvent accusés d’être les moteurs de ces évolutions funestes. On connaît leur rôle de porte-voix des politiques illibérales et de la droite radicale. On les sait facilement manipulables par des puissances étrangères. La couverture médiatique de plusieurs élections récentes, depuis la France jusqu’aux Etats-Unis en passant par la Roumanie, a en outre montré l’importance des plateformes vidéo, des influenceurs et des podcasteurs dans la mobilisation des électeurs, mais aussi dans l’ingérence russe.
Cela étant, si l’on considère les campagnes électorales qui se déroulent dans des pays où le marché de l’information reste relativement pluraliste, et qu’on examine l’environnement de l’information politique plus large qui façonne l’opinion des citoyens, on s’aperçoit que ce sont souvent les médias traditionnels et les acteurs nationaux – et non les réseaux sociaux et les puissances étrangères hostiles – qui assument le rôle central dans la diffusion de fausses informations et dans la promotion d’idées illibérales.
Nos recherches sur la montée de l’illibéralisme en Europe de l’Est mettent en évidence de nombreux exemples allant en ce sens. Elles montrent par ailleurs que, dans les pays où la majorité du marché des médias traditionnels est passée sous le contrôle d’acteurs politiques illibéraux ou de leurs alliés dans le monde des affaires, les réseaux sociaux peuvent au contraire devenir des armes de résistance contre les forces illibérales.
Grands canaux de propagande
Dans l’est de l’Europe, c’est actuellement dans la Hongrie et la Serbie illibérales que le rôle des médias traditionnels dans la vie politique est le plus frappant. En Hongrie, le parti Fidesz, du premier ministre, Viktor Orban, a colonisé la vaste majorité du marché des médias et transformé les médias traditionnels en grands canaux de propagande gouvernementale, à commencer par le groupe audiovisuel public MTVA.
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