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« La promesse radicale-dérégulatrice, qui séduit une partie des classes populaires, mine les protections auxquelles elles aspirent »

Depuis quelque temps, un étrange vent antirégulation souffle sur le monde. Aux Etats-Unis, Donald Trump à peine réélu a confié à Elon Musk la mission de mettre à bas la bureaucratie fédérale. En Argentine, le président ultralibéral Javier Milei promet de couper dans les dépenses publiques en 2025. A Bruxelles, la droite conservatrice européenne, aiguillonnée par l’extrême droite, a desserré les contraintes sur l’utilisation des pesticides et entamé le détricotage du Pacte vert, à l’origine censé faire du Vieux Continent le fer de lance de la transition écologique.

La complainte contre l’excès de paperasse en tout genre émanant des entreprises, vieille comme le patronat, est désormais tendance. Pis, les propos antinormes sont aujourd’hui totalement désinhibés, légitimés par les outrances de Trump, Musk ou Milei, que le philosophe Gaspard Koenig, auteur de l’essai (Observatoire, 336 p., 23 €), qualifie d’.

Pour comprendre la nature de ce vent antirégulation, il convient d’abord de distinguer les bonnes normes – celles qui protègent le bien collectif, la transparence, les consommateurs – des mauvaises, qui, mal calibrées ou excessives, étouffent les petites entreprises, tuent l’innovation et renforcent les monopoles sans défendre correctement l’intérêt commun. « , observait, début décembre, le Prix Nobel d’économie 2024 Daron Acemoglu dans un entretien au

De fait, nos démocraties se caractérisent par une fâcheuse tendance à accumuler les règles administratives, formulaires et autres exigences de pas toujours utiles, ni bien conçus, sans être capables d’en réduire la voilure lorsqu’ils frisent l’absurde. De là à jeter le bébé (les bonnes normes et la démocratie) avec l’eau du bain, il n’y a qu’un pas que les autocrates libertariens sont prêts à franchir. , écrit Gaspard Koenig dans du 20 novembre.

Calculs égotiques

Outre les règles, ce courant cible également ceux qui les incarnent – les technocrates, souvent élargis aux « élites » politiques, voire culturelles –, mais aussi, bien sûr, les impôts ; en particulier ceux jugés trop élevés sur les entreprises et les plus aisés. Ses thuriféraires rêvent d’un monde libéré des taxes. D’un monde où les services publics, financés par les impôts, seraient donc réduits à leur portion congrue. D’un monde où, dès lors, la santé et l’éducation, gérées par le privé, perdraient leur caractère universel et largement gratuit.

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