Français

Pauvreté : le décevant bilan d’Emmanuel Macron

Dès 2018, Emmanuel Macron avait lancé un plan ambitieux de lutte contre la pauvreté avec la promesse de l’éradiquer à moyen terme. Alors que la fin de son second quinquennat se profile, le bilan reste très décevant. Après avoir longtemps stagné à un haut niveau, le fléau est reparti à la hausse, selon les chiffres de l’Insee publiés lundi 7 juillet, dans le cadre son étude annuelle portant sur 2023. Le taux de pauvreté n’avait jamais été aussi élevé en France depuis trente ans, actant l’échec d’une politique qui n’a pas su s’attaquer de façon structurelle à un phénomène qui sape la cohésion du pays.

Si la politique du « quoi qu’il en coûte » mise en œuvre dans la foulée de la crise sanitaire a évité que la pauvreté n’explose, elle a été insuffisamment ciblée et n’a pas permis d’en préserver durablement les personnes. Pis, depuis l’arrêt des mesures d’accompagnement pour atténuer les effets de l’inflation, le taux de pauvreté est en forte augmentation, à 15,4 %, et 650 000 personnes ont basculé dans cette catégorie en seulement un an.

Cette tendance n’est pas due à un appauvrissement généralisé du pays, mais au décrochage des plus fragiles, qui ont davantage subi l’impact de l’inflation. Car, malgré un niveau de redistribution parmi les plus élevés du monde, la France se distingue par une hausse des inégalités. Pendant que le niveau de vie des 10 % les plus riches a augmenté, celui des 10 % les plus pauvres a baissé, creusant encore un peu plus les écarts. La situation se rapproche de ce qu’elle était dans les années 1970, constate l’Insee.

Cette aggravation du taux de pauvreté est d’autant plus inquiétante que le pays demeure en croissance, même faible, et que le chômage reste contenu, malgré une légère remontée ces derniers mois. Contrairement aux périodes précédentes, l’amélioration de la situation de l’emploi n’a pas contribué au recul de la pauvreté. Sortir du chômage en 2023 ne garantit pas de pouvoir améliorer sa condition. Ce phénomène de travailleurs pauvres a été accentué par l’augmentation des temps partiels subis et le développement du statut de microentrepreneur, qui ne permet pas toujours de gagner suffisamment pour s’extraire de la pauvreté. Quant à la réforme de l’assurance-chômage de 2021, en durcissant les règles d’indemnisation, elle a abouti à une hausse du taux de pauvreté parmi les sans-emploi.

La récente simplification du versement des aides, alors que près d’un tiers des allocataires ne les réclame pas, va dans la bonne direction, mais la mesure ne s’attaque pas aux causes structurelles de la pauvreté. Celle-ci doit être prise à la racine et l’accent doit être mis sur la prévention plutôt que sur la réparation a posteriori des dégâts sociaux. Cela passe par des politiques de long terme afin de lutter contre le décrochage scolaire, les inégalités de santé ou le mal-logement.

François Bayrou s’est engagé, selon les représentants d’associations de solidarité qui l’ont rencontré le 3 juillet, à fixer un objectif chiffré de réduction de la pauvreté, comme prévu par la loi du 1er février 2008. Encore faudra-t-il accompagner un tel objectif d’une stratégie ambitieuse, en agissant sur les multiples déterminants de la pauvreté et en assumant d’investir sur la durée. Au regard du contexte budgétaire et de l’absence de majorité à l’Assemblée nationale, cette volonté risque de faire long feu comme les promesses du président de la République, qui, sept ans après avoir été formulées, sont restées lettre morte.

Le Monde

S’abonner

Contribuer

Réutiliser ce contenu